Du coup, j'ai beaucoup réfléchi à cette orientation alimentaire. Totalement différente, complètement décalée avec les standards de la société dans laquelle nous vivons. Discuter avec mes proches a également soulevé en moi la question suivante, qu'ils ne se seraient pas permis de le formuler, mais que j'ai senti poindre : est-ce que ça ne serait pas un peu... extrême ?
Je commencerais par répondre par une autre question : en quoi, manger des fruits et des légumes, serait "extrême" ?
Eh bien ça l'est, malheureusement, car les standards de notre société ont fait passer ces aliments on ne peut plus basiques au second plan.
Mais ce qui est extrême, en fait, selon moi, c'est l'alimentation toute prête qu'on trouve dans les magasins. Cette production représente énormément aux plans écologique, éthique, et humain.
Ce qui est extrême, toujours de mon point de vue, c'est tous ces gens malades, avec des douleurs partout, en dépression, ou avec un traitement à vie pour ceci ou cela. Ça me rend extrêmement triste.
Je ne juge pas, ce n'est la faute à personne individuellement si on en est arrivés là. Mais je n'ai pas envie que cela m'arrive un jour.
Concrètement parlant, manger cru ça veut dire se simplifier la vie. On utilise moins d'électricité (ok, je fais certaines préparations au déshydrateur, mais sur la plus basse température, cela consomme très peu, et on peut très bien vivre sans déshydrateur). On a moins de vaisselle à faire (inutile de laver un couteau qui a coupé une pomme, il suffit de le rincer ; même chose pour un blender qui a fait un smoothie ou une compte crue).
Je trouve cela moins "extrême" que de devoir gratter un plat qui sort du four dans lequel ça a accroché, et qui glisse entre les mains tant il est gras !
De plus, on mange pas mal avec les mains, c'est amusant et ça limite encore la vaisselle !
Mais ça, c'est à la maison. Ça ne dérange personne, et c'est notre vie.
En réalité, la question sous-jacente à notre interrogation est la suivante : dans la mesure où manger cru (ou presque, ou avoir tendance à aller en ce sens) est totalement en dehors des habitudes de notre société, est-ce que ce n'est pas nous en retrancher ?
La vraie question n'est pas d'ordre pratique, mais d'ordre idéologique. Tout choix de faire autrement que la plus grande partie des gens n'est-il pas considéré comme un acte de rejet ou de rébellion ? Dans cette optique, donc, il est facile de poser cet acte comme extrême, par définition.
Et pourtant, notre choix ne s'affiche pas comme une provocation. On ne défile pas dans la rue, on ne placarde pas sur notre porte notre régime alimentaire, on veut juste manger ce qu'on veut, chez nous !
Alors peut-être que certaines personnes pourraient craindre pour la vie sociale de mes enfants. Ils ont pourtant plein de copains, ils sont à l'aise dans leurs baskets et toujours de bonne humeur. Pour leur santé ? Ils n'ont pas été malades depuis je ne sais combien de temps, Eugénie n'a plus les maux de ventre qu'elle avait avant (dus au gluten et à certains additifs), et ils viennent tous les deux de nous faire une méga poussée de croissance en 2 semaines qui nous vaut de changer toutes les chaussures en même temps (et remonter les selles des vélos).
Alors peut-être que vous avez peur de nous inviter chez vous... Rassurez-vous, dans la mesure où nous ne nous sentons pas obligés de manger le poulet que vous avez préparé pour vous-mêmes (mais ça c'est une autre question), nous contentant des légumes d'accompagnement (bien sûr, cuits, ! si si, vous voyez !), nous serions très heureux de venir.
Le cru n'est pas un crédo. C'est un moyen : pour une meilleure santé, une meilleure humeur, une meilleure adaptation aux aléas de la vie, et une existence plus simple.
Plus simple ! Alors non, je ne peux pas dire que se simplifier la vie soit "extrême".
Et puis demandez à Eugénie ce qu'elle en pense... Elle s'éclate littéralement dans la cuisine depuis qu'il n'y a plus besoin de faire chauffer ceci, cuire cela, attendre que ce soit cuit, surveiller que ça ne déborde pas... que des trucs de grandes personnes (de "vrais cuisiniers" quoi !). Elle s'essaie à plein de mélanges, de compositions parfois un peu hasardeuses mais souvent réussies (par exemple : écrasez une petite banane, coupez des dattes en tout petits-petits morceaux, mélangez le tout, écrasez à nouveau, tassez dans un moule en forme de cœur - important, le cœur - , laissez durcir au frigo, et mangez à la cuillère : délicieux, je vous le promets !).
Elle a passé pas mal de temps pendant les vacances à visionner des vidéos de "recettes" à base de cru. Elle en a réalisé certaines, toute seule (7 ans et demi), pour toute la famille.
Elle fait elle-même des mélanges qu'on met au déshydrateur, ou qu'elle verse dans des moules pour en faire des sorbets.
Et elle vient tous les jours m'aider à préparer le repas.
Elle s'éclate.
La seule étiquette que je reçois c'est celle de "végétalienne", par choix. Le reste... je m'en balance un peu, du moment que ma vie est simple et heureuse, que je m'amuse dans ma cuisine, et que je me régale (un bol de riz avec une umeboshi... c'est trop bon !) !
Caroline